Ma grand-mère mais aussi de la famille m’ont déjà parlé d’un incendie qui a eu lieu chez
mon grand père à Saint Gatien, à la Correspondance, j’ai pu retrouver la trace
de cet événement dans les archives, il a eu lieu le 6 décembre 1952. Je
connaissais approximativement la période (grâce à ma grand mère qui m'a indiqué fin 1952 par une nuit glaciale), j’ai retrouvé la date exacte grâce aux
délibérations municipales de Saint Gatien des Bois.
Séance du 10 janvier
1953 :
Mémoire pompiers de
Honfleur
Le conseil examinant le
mémoire des frais de déplacement des pompiers de Honfleur appelés par M. Allais
Robert lors de l’incendie de sa maison, sans qu’il ait appelé préalablement les
pompiers de St Gatien décide de transmettre le dit mémoire à M. Allais. Au cas
où celui-ci serait dans l’impossibilité de payer, le Conseil prie Monsieur le
Maire de vouloir bien entrer en rapport avec Monsieur le Maire de Honfleur pour
essayer d’obtenir une réduction sur ce mémoire qui semble bien élevé.
Séance du 12 février
1954 :
Frais de déplacement
pompiers de Honfleur pour incendie Allais
Le Conseil municipal,
considérant que la commune est redevable envers la ville de Honfleur d’une
somme de 26.080 Frs (vingt-six mille quatre-vingts) pour frais de déplacement
des sapeurs pompiers le 6 décembre 1952 (incendie Maison Allais)
Vote un crédit de 26.080
francs pour le règlement de cette dette. Cette somme sera prélevée sur les
fonds libres de l’exercice 1953.
Sources :
Délibérations municipales, Archives Départementales du Calvados
Il suffit donc maintenant de retrouver ce fait divers dans
la presse. Voici la retranscription d’un journal de l’époque :
ST-GATIEN-DES-BOIS
Un journalier met le feu accidentellement à la Charronnerie Allais
qui est anéantie ainsi que la maison d’habitation
six millions de dégâts
Samedi matin à 3 h. 20
exactement, deux coups longs de la sirène d'incendie de Honfleur alertaient les
pompiers pour un incendie en campagne. A 3 h. 27, temps record en cette nuit
particulièrement glaciale, la première auto-pompe démarrait sous les ordres du
Capitaine Chauvin et par Equemauville suivait la route de Pont-l'Evêque, pour
gagner St-Gatien, où le feu était signalé chez M. Allais, charron.
Le temps de parcourir
rapidement les sept kilomètres et nos pompiers étaient à pied d'œuvre, bientôt
rejoints par la Compagnie de Saint-Gatien, sous les ordres du lieutenant
Bréavoine, qui venait également d'être alertée.
Déjà la maison
d'habitation située en bordure de la route nationale, quartier de la Correspondance,
et les ateliers y faisant suite étaient la proie des flammes qui s'élevaient haut dans le ciel,
alimentées par de nombreuses matières éminemment inflammables. Vers 4 h. 30, le
feu était circonscrit mais hélas, maison
et ateliers n'étaient plus que des décombres fumants. On avait pu heureusement
isoler la citerne à essence qui aurait pu provoquer une explosion catastrophique.
Rien n'avait pu être
sauvé, si l'on excepte la camionnette de M. Allais, quelques meubles et un peu
de linge. Le bilan se chiffre à environ 6 millions, dont 2 millions pour la
maison (assurée par Mme veuve Ruffin, propriétaire) et 4 millions pour le
matériel et le stock de matières premières pour lesquels M. Allais n’est malheureusement
pas assuré. Celui-ci, qui éprouve ainsi un terrible préjudice, a été recueilli
avec sa femme et ses deux enfants par M. Paul Ruffin, maire, qui lui a spontanément
donné un logement dans sa propriété.
Causes accidentelles
Aux premières heures du
jour, M. l'adjudant de gendarmerie Mouet et les gendarmes Courcier et Gautier,
de la brigade de Honfleur, commençaient leur enquête. Il apparaissait que le feu
avait pris dans le milieu des bâtiments où se trouve la forge ; un journalier
agricole, Kléber Foucu, 45 ans, sans domicile fixe, qui couchait depuis quelques
jours dans un grenier, fut interrogé.
Ses explications
paraissant embarrassées il fut amené à la brigade et, longuement interrogé. Après
avoir fourni plusieurs versions, il finit par déclarer qu’il pouvait avoir été
l'auteur involontaire de l'incendie : installé tout d'abord dans un grenier au dessus
de l'atelier il avait déménagé vers 1 heure du matin pour se coucher dans un
autre situé au-dessus de la forge. Il s'éclairait alors avec une bougie. S’étant
relevé peu après pour vérifier la fermeture d’une porte. Il se servit
d'allumettes qu'il jeta ensuite sur le plancher. Vers 3 heures, réveillé par une sensation de chaleur il vit que le grenier
était en feu et alerta M. Allais. Celui-ci, aidé par les voisins, tenta
d'enrayer le sinistre, en même temps qu'il alertait les pompiers. (Suite en
Chronique régionale)
L'INCENDIE DE SAINT-GATIEN-DES-BOIS
(Suite de la 1ere page)
Il est possible que les
allumettes mal éteintes aient communiqué le feu à la paille, au bois qui se
trouvait dans le grenier. Mais une autre hypothèse peut, être envisagée : la
veille au soir, Foucu ayant fait du feu sous la lessiveuse placée dans la
forge, s’était aperçu qu’un chevron commençait de brûler et avait éteint avec
quelques seaux d'eau. Le feu aurait-il continué de couver, pour se réveiller
soudain dans la nuit ?
Fait troublant également,
les gendarmes apprenaient que, une quinzaine de jours plus tôt, Foucu avait
provoqué un autre incendie, dont les conséquences étaient heureusement
insignifiantes : le 24 novembre, circulant sur le chemin du Mont-Cheron à Fourneville,
il était allé demander du travail chez M. Charles Pivet. Celui-ci, qui n’avait
pas de raison de l'employer, refusa ; mais, le lendemain, il s'apercevait que
la paille recouvrant, un de ses silos de betteraves, quartier de l'Epinay,
avait été brûlée.
Interrogé sur ce point,
Foucu reconnut s'être arrêté près du silo et, avoir fait du feu auprès, se
contentant, lors de son départ, de donner un coup de pied pour disperser les
braises...
S'il n’a pas été arrêté
pour ces faits, qui semblent accidentels, Foucu l'a été néanmoins, car il faisait
l'objet de trois extraits de jugement des Tribunaux Correctionnels de Pont-l'Evêque
et Le Havre, pour ivresse. Il passera neuf jours à la Maison d'arrêt de Pont-l'Evêque
où il pourra réfléchir à loisir sur les tragiques résultats de ses
inconséquences.
Source : L’indépendant Honfleurais du 12/12/1952
On trouve également un article dans un autre journal qui permet de nous donner d'autres détails :
A « La Correspondance » commune de St-Gatien-des-Bois
Un incendie détruit le café-restaurant Allais et la charronnerie
Incommodé par une odeur de
fumée, samedi vers 3h. 15 du matin, un ouvrier agricole s’aperçut qu’un
incendie venait de naître dans une petite mansarde dépendant d’une construction
en colombages attenante à l’immeuble occupé par M. Allais, au hameau de la
Correspondance, à St-Gatien-des-Bois, en bordure de la route de Pont-l’Evêque à
Honfleur.
Dans ces bâtiments, M.
Allais exerce d’un côté la profession de débitant, restaurateur, de l’autre
côté celles de charron et d’entrepreneur de pompes funèbres.
Les pompiers de St-Gatien
et de Honfleur furent aussitôt alertés et se portèrent rapidement sur les
lieux, les premiers commandés par le lieutenant Bréavoine, les seconds par le
capitaine Chauvin.
Hélas ! aucun sauvetage
important n’était possible car le feu avait brusquement gagné les deux côtés de
la cour et avait trouvé un élément favorable dans des garnitures de cercueil en
matières plastiques et des fûts d’huile entreposés dans l’atelier.
Providentiellement, la citerne du distributeur d’essence ne fût pas embrasée,
sans quoi le sinistre se serait étendu aux maisons d’alentours.
Réveillée par les appels
de son voisin, la famille Allais put s’échapper des locaux en flammes et sauver
quelques vêtements. Devant l’étendue du désastre on dut faire appel à des
renforts de sapeurs, qui furent d’ailleurs aidés par des sauveteurs bénévoles
très nombreux.
Malheureusement, tous les
efforts furent à peu près vains et à 7 heures du matin, il ne restait plus que
des décombres à la place où s’élevait le « Café de la Correspondance ».
Seules furent soustraites au fléau, une automobile et une scie mécanique.
Les dégâts – insuffisamment
assurés – s’élèvent à plus de trois millions. La gendarmerie de Honfleur a
ouvert une enquête afin d’établir les causes de ce grave sinistre qui a soulevé
dans la région une légitime émotion.
La famille Allais est actuellement logée par M. Paul Rufin, maire de Saint Gatien.
De l’enquête il
ressortirait que l’imprudence de l’ouvrier agricole Kléber Foucu, sans domicile
fixe – le même qui donna l’alerte – pourrait être une des causes de l’incendie.
Au capitaine Brailly,
commandant la section, ainsi qu’aux gendarmes de Honfleur, il a, en effet,
donné quelques indications qui permettent autant d’hypothèses.
Dans l’après-midi du 5,
Foucu avait allumé un poêle dans la forge ; un chevron soutenant des tôles
de protection et qui touchait à la charpente avait pris feu. Il avait éteint
avec une casserole d’eau mais rien ne prouve que le bois ne continua pas à se
consumer intérieurement.
D’autre part au cours de
cette nuit du 5 au 6, Foucu qui était couché dans un grenier pensa qu’il aurait
plus chaud dans celui du milieu de l’habitation et s’y rendit. Là il eut
plusieurs fois l’obligation de rallumer sa bougie pour boucher des ouvertures.
Les allumettes craquées furent jetées sur le plancher…
C’est pour un motif autre
que Foucu a été conduit à la maison d’arrêt de Pont l’Evêque. Les parquets du
Havre et de Pont-l’Evêque le recherchaient afin qu’il purge une peine de 9
jours de prison infligée pour ivresse.
Source : Pays-d’Auge-Tribune du 09 décembre 1952
Grâce a des documents, je connais désormais plus de détails
sur ce sinistre qui a eu lieu il y a 65 ans.
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