Incendie et fraude a l'assurance à Saint Gatien des Bois en 1888

Retranscription de l'article de journal:

"Dans la matinée du 29 décembre 1888, vers 7 heures 1/2, un incendie éclata à Saint-Gatien, dans la ferme du sieur Courbaron, exploitée par les époux Bisson. La fumée sortait à travers le toit. La maison n'était pas habitée, les époux Bisson étant partis depuis quelques jours. On constata que toutes les ouvertures étaient hermétiquement fermées. On ouvrit la porte de la cave et on remarqua l'existence d'un brasier qui avait communiqué le feu au plancher de la chambre, qui se trouva au-dessus. L'incendie fut promptement éteint. Les soupçons se portèrent sur Bisson. Il était au-dessous de ses affaires et sous le coup d'une saisie. Vers le 8 au 10 décembre, il s'était adressé à un agent d'assurances de la compagnie "la Nation" pour assurer son mobilier avec une majoration énorme. Le 21 décembre, les époux Bisson transportèrent, la nuit, leurs meubles chez un sieur Grainville, bûcheron à Saint-Gatien. Le 2 janvier, Bisson fit procéder par la compagnie d'assurances à l'inventaire des objets prétendus brûlés, et il eut soin d'y comprendre tous ceux qu'il avait fait disparaître. La culpabilité de Bisson devenait donc évidente et le motif pour lequel il avait voulu incendier sa maison était notoire ; il voulait toucher le montant de la police d'assurances. 11 fut donc immédiatement poursuivi, Le verdict a motivé, après une excellente plaidoirie de M. Morin de la Pillière, une condamnation à 5 ans de travaux forcés contre l'accusé, qui sont fort bien mérités."

Journal Le Pays d'Auge du 23 mai 1889

Qui sont les époux BISSON?

BISSON Charles Célestin est né le 25 octobre 1861 à Saint Philbert des Champs, fils de Joseph Ferdinand BISSON et de Olympe Pascaline GUILMETTE. Il épouse le 22 janvier 1887 au Mesnil Blangy MARMION Marie Amanda Alexandrine née en 1866 à Pierrefitte en Auge, fille de MARMION François Armand et de CHATELET Marie Adélaïde.

Au moment des faits, ils sont donc mariés depuis presque deux ans.

Les 3 enfants de MARMION Marie Amanda Alexandrine:

Le 17 avril 1890 est née au Mesnil sur Blangy BISSON Marie Angèle Marguerite mais suivant le jugement du tribunal civil de Pont l’Évêque en date du 18 novembre 1890 il a été décidé que l'enfant ne pourra pas porter le nom de M. BISSON car celui-ci n'est pas le père. En effet le sieur BISSON devait être absent depuis un moment et purger sa peine. Dans l'acte de naissance de l'enfant, son domicile est indiqué comme étant à Saint Martin de Ré, connu pour être une étape vers le bagne.

Par ailleurs, le divorce du couple est prononcé à Pont l’Évêque le 28 décembre 1893.

Amanda MARMION accouche d'un second enfant MARMION Augustine à Caen le 31 décembre 1897 de père inconnu.

Son troisième enfant connu naît le 09 Août 1899 à Saint Julien sur Calonne, en la maison de ROSNEY Adolphe, ou Amanda MARMION est domestique ainsi que le père, DEBON Ernest Hippolyte Armand qui déclare la naissance, l'enfant porte le nom de DEBON Ernestine Lucienne Elisabeth. 

Le couple se marie le 19 janvier 1900 à Saint Julien sur Calonne, les 2 enfants nés en 1890 et 1897 sont légitimés.

Concernant la troisième fille, DEBON Ernestine Lucienne Elisabeth, il s'agit de mon arrière grand mère, elle se mariera avec Charles Louis Gaston NICOLLE à Manneville la Pipard le 17 septembre 1918.

Voici donc un événement qui a bouleversé le destin d'une famille, s'il ne s'était pas produit, Célestin Charles BISSON et mon aïeule auraient sans doute poursuivi leur chemin ensemble, le couple DEBON x MARMION n'aurait pas existé. Et ainsi la descendance dont je fais partie n'aurait pas pu apparaître...


Pour aller plus loin:

Rien ne semblait indiquer que BISSON Célestin Charles et MARMION Marie Amanda Alexandrine puissent se trouver à Saint Gatien des Bois. C'est la fiche matricule de l'époux qui indique l'arrivée à Saint Gatien des Bois le 18 mai 1887 et c'est dans ce même document ou apparaît la condamnation à 5 ans de travaux forcés.(Fiche matricule 471, subdivision de Lisieux classe 1881, Archives du Calvados en ligne p482/512).

BISSON Charles Célestin est décédé à Ouéga en Nouvelle Calédonie le 18 octobre 1897, il a été retrouvé flottant dans la baie de Bamaré(graphie du lieu à confirmer).

Dans l'article de journal, il est question d'un sieur Grainville bûcheron à Saint Gatien. Dans les recensements de Saint Gatien des Bois de 1886 et 1891, un seul Grainville est mentionné quartier Saint Philibert et est bûcheron. On peut en déduire qu'il s'agit de Louis Ferdinand GRAINVILLE né le 10 octobre 1828 à Saint Gatien des Bois et décédé au même lieu le 08 novembre 1903.

Acte de sauvagerie à Saint Gatien des Bois en 1891

Dans les journaux de l'époque on a pu suivre une affaire qui s'est passé à Saint Gatien des Bois. Voici la chronologie par la retranscription des articles:

"Un acte de cruauté inouïe, dont l'auteur, la nommée Pottier (Berthe), originaire de Fourneville n'est âgée que de 15 ans, a été commis le 16 courant à Saint-Gatien-des-Bois. La jeune Pottier était au service chez les époux Hubart, cultivateurs, qui avaient confié à sa garde leur petite fille Rachel, âgée de vingt mois. Pour un motif qui n'est pas expliqué, la fille Pottier s'est tout à coup armée d'un couteau et en a frappé le pauvre bébé dans le bas ventre. L'arme, pénétrant profondément dans le bassin, a fait à l'enfant une blessure horrible. M. le Docteur Leneveu, de Trouville, a prodigué des soins à la petite Rachel dont malgré la gravité de la blessure, il espère préserver la vie. Quant à la fille Pottier, elle est en ce moment à Fourneville, chez ses parents. L’enquête qui se poursuit amènera vraisemblablement sa punition, sinon son arrestation."
L’écho Honfleurais du 26 août 1891

"Arrestation.  Nous racontions mercredi l'acte de cruauté dont s'était rendue coupable, sur une enfant de 20 mois, la petite Hubard, de Saint-Gatien, la jeune Berthe Pottier. Hier, en vertu d'un mandat d'amener du parquet, Berthe Pottier a été mise en état d'arrestation. Elle a été conduite aujourd'hui devant M. le Procureur de la République."
L’écho Honfleurais du 29 août 1891

"Blessures volontaires. La jeune Berthe Pottier, qui, le 16 août dernier, dans un acte de brutalité, blessait si atrocement une petite fille de 18 mois, Rachel Hubbard, dans les circonstances que nous avons rapportées, a été condamnée à être détenue dans une maison de correction jusqu'à l'âge de 15 ans."
L’écho Honfleurais du 23 septembre 1891

"Tribunal correctionnel de Pont l’Évêque- Audience du 11 septembre 1891

Pottier (Eugénie-Armandine-Berthe), 13 ans, domestique, née et demeurant à Fourneville.  Acquittée comme ayant agi sans discernement et renvoyée jusqu'à sa 15 année dans une maison de correction. Blessures volontaires."

L’écho Honfleurais du 26 septembre 1891

"COUR D'APPEL DE CAEN Affaire fille Pottier.  On se rappelle cet te triste affaire, qui il y a deux mois conduisait sur les bancs de la police correctionnelle une gamine de 14 ans, Berthe Pottier, demeurant chez ses parents à Fourneville. La fille Pottier était au service des époux Hubard, cultivateurs à Saint-Gatien, qui lui avaient confié la garde de leur enfant, un bébé de vingt mois. Pour une cause restée inexpliquée, la jeune bonne avait pris l'enfant en haine et, en juillet dernier, à deux reprises différentes, elle lui porta des coups de couteau qui lui tirent de cruelles blessures au bas-ventre et dans les parties sexuelles. L'enfant ayant survécu à ses blessures, le tribunal de Pont-l’Évêque se montra indulgent. La fille Pottier fut acquittée comme ayant agi sans discernement et renvoyée dans une maison de correction jusqu'à sa quinzième année. La cour d'appel, devant qui l'affaire avait été portée, n'a pas jugé la peine assez forte. Elle a en effet ordonné que la fille Pottier serait détenue dans une maison de correction jusqu'à ses dix-huit ans accomplis."

L’écho Honfleurais du 7 novembre 1891

On remarque que les âges varient d'un article à l'autre ainsi que la graphie HUBART. L'acte a été commis le 16 août 1891 à Saint Gatien des Bois.

En réalité Eugènie Armandine Berthe POTTIER était tout juste âgée de 13 ans. Celle-ci est née à Fourneville le 4 juillet 1878 fille de POTTIER Pierre Gustave Augustin et de QUEMIN Alphonsine Ernestine. Elle est décédée a l'âge de 81 ans le 27 mai 1960 à Honfleur.

Quant à la victime HUBART Rachel Eugénie Augustine avait 18 mois et demi au moment des faits. Elle est née à Saint Gatien des Bois le 1er février 1890 fille de HUBART Eugène Emile et de DESCHAMPS Augustine Eugénie. Elle est décédée à l'âge de 76 ans, le 1er mars 1966 à Pont l’Évêque.

Il n'y a pas de mariage connu ni pour l'une ni pour l'autre.

Complément du 16 avril 2019: Je reçois un message ce jour d'une petite fille de Rachel Hubart qui m'informe que celle-ci s'est mariée et a eu une descendance. Elle s'est mariée le 28 mai 1910 à Saint Gatien des Bois avec Hervieu Louis Emile Désiré.